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Mer méditerranée

​

 

Dans tes vagues saphir,

je ressens une plainte séculaire,

celle des hommes, des femmes et des enfants

sacrifiés sur l'autel du ressac de l'Histoire.

 

Dans tes vagues d'azur,

je devine les cris des exilés,

qui comme l'écume se fracassent sur les rochers,

avec des accents kurdes, afghans,

soudanais, erythréens...

​

 

Dans tes vagues lapis-lazuli,

j'entends les mélopées des Juifs fuyant la barbarie,

les maqams de Palestine gravés sur les murs de la honte,

la complainte du oud, mémoire d'Alep, de Bagdad ou de Beyrouth.

 

Dans tes vagues aigue-marine,

je vois les visages ébène des esclaves de Tripoli,

leurs regards de guerriers qu'aucune nuit ne pourra effacer,

les bateaux de fortune tels des arches défiant le Mektoub.


 

Dans tes vagues cérulée,

j'imagine les miens quittant leur botte,

n'ayant rien d'autre qu'un espoir démésuré,

aussi généreux que leurs cœurs de Napolitains.


 

Dans tes vagues lavande,

je contemple les rêves de l'enfant d'Aït-Hichem,

son regard perdu mangeant le vide,

horizon lointain comme les montagnes d'Algérie.


 

Dans tes vagues indigo,

je regarde le canon de Gibraltar pointé sur l'Afrique,

le sang des anarchistes Espagnols

dans l'eau rougissante face au soleil couchant.


 

Ô mer méditerranée, déesse impitoyable,

tombeau sacré pour des cadavres sans sépulture,

Les yeux translucides des oubliés du destin,

sont les étoiles qui brillent sur les cendres d'un monde agonisant.

Eau de vie

 

 

Laisse couler, garçon,

n'aie pas peur !

Laisse couler l'eau de la vie

c'est ta force,

n'aie plus honte !

Ton visage en sera lavé

comme un paysage transfiguré après la pluie.

 

Laisse couler, petit frère,

tes rancœurs, tes tristesses,

et même tes joies.

Les larmes sont le sel de l'amour,

le terreau fertile d’innombrables fruits

au cœur savoureux et coloré,

dont le jus est un élixir de longue vie.

 

Laisse couler, homme,

Ton armure t’empêche de goûter la vie.

Embrasser le ciel n'est pas une conquête

mais une danse joyeuse et grave,

qui traverse chaque nuage.

 

Chacune de tes larmes,

est une victoire contre l'indifférence

qui ronge le cœur des hommes.

 

Chacune d'elles coule inexorablement

vers un fleuve secret

qui remplit un océan invisible.


 

Père du poème, il se déverse en pluie

sur l’orme du jardin crépusculaire

de notre humanité retrouvée.

Prisonnier politique


 


Une partie de moi est enfermée avec toi là-bas,

derrière les barreaux du silence.

enfermée à double tour,

comme un long hiver,

comme une nuit sans étoile

chaque brin d'herbe me crie sa désolation.


 

Dors khouya

dors

cette nuit ne s'éteint pas,

les djinns te protègent.


 

Mon oud pleure les larmes qu' Inna ne peut pleurer.

 

L'attente.


 

La rumeur des saisons.

Le bruit des serrures.

Supplice du corps.

Les murs comme horizon.

Rituel de soumission.

La parloir.

L'haleine avinée des gardiens.

Drogue légale.


 

Le cœur en sang,

La bouche sèche,

La lumiere éteinte.

équilibre rompu,

L'arcane huit déchirée.


 

​

Surveiller et punir.

Orthopédie sociale.

Mater les rebelles.

Mesures coercitives.

Des familles en otages.


 

Une lettre de toi :

je plie mais ne me brise pas.

La force des racines ;

Les anges n'ont pas la même loi.

Tes yeux brillent plus fort que les miens.


 

Dors khouya,

dors,

les djinns te protègent.

​

​

poème écrit, lu et enregistré par raphaël benyoucef

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